Prise par surprise, la petite créature n’eut pas le temps de
s’échapper avant qu’il ne l’empoigne de sa main valide. Terrorisée, elle
poussait, tirait, griffait mais il ne sentait rien que de légères et, quelque
part, excitantes piqûres. Les yeux immenses de la fée étaient pleins de peur.
Il sentit son sexe frémir dans son costume serré de capitaine.
Il aimait tant ces créatures.
D’un coup de dents, il croqua la tête ravissante et, alors que
le corps tressautait encore, il l’enfourna tout entier dans sa bouche,
jouissant du contact infime des ailes affolées sur son palais.
Il aimait tant ses créatures.
La nouvelle se répandit sur le navire que le capitaine avait
décidé de faire honneur à la fête de Pâques. On rigola un peu d’abord, parce
que qu’est-ce que les cloches venaient faire sur un vaisseau pirate ?
Puis, lorsqu’on retrouva les boyaux du mousse derrière une porte, on cessa de
rire et on s’intéressa au jeu que proposait le capitaine.
En deux jours, on avait rassemblé assez de bouteilles vides pour
que chaque fée y trouve son compte, et on dissémina les petites prisons de
verre de la pointe du nid-de-pie jusqu’aux tréfonds de la cale. Un petit malin,
de toute évidence un apprenti du maître d’équipage, alla même jusqu’à ficeler
solidement l’une des bouteilles au sommet du mât, là où flottait le drapeau
noir des pirates.
Personne ne fut surpris à ouvrir son œuf avant l’heure.
Ce n’était pas l’envie
qui manquait pourtant. Les fées avaient toujours été la propriété exclusive du
capitaine ; chacun avait mille fois dressé dans sa tête la liste de ce
qu’il aurait pu en faire, si seulement on lui en avait accordé une. C’était un
rêve, un fantasme, une folie, un objet de désir et de curiosité qui,
inaccessible, attisait toutes les convoitises.
Et voilà qu’on les leur offrait en bonne et due forme. Il y en
avait une par personne, c’était promis.
Une fée vivante et entière pour chacun des membres de
l’équipage.
« La chasse est ouverte. »
Et les fées eurent beau se débattre, pas une n’en réchappa.
Chacune atterrit entre les mains d’un homme avide. On se fit un
festin de paillettes.
Et longtemps, les rires et les tintements
résonnèrent au large de l’Île Imaginaire.
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